Je hais la politique car elle devient injustice, car elle trahit la parole pour le slogan.
Stefan Zweig in Stefan Zweig Farewell to Europe (2016) – Stefan Zweig, adieu l’Europe [16’09].
Pour comprendre ce qui se passe à Hong Kong, il est nécessaire de situer la crise actuelle dans un contexte géoéconomique et géopolitique plus général.
Les États-Unis sont en guerre contre la Chine depuis 1856 (seconde guerre de l’opium) aux côtés de l’Angleterre et la France. Il s’agissait de démanteler l’économie chinoise qui menaçait les grandes puissances alors que la dynastie Qing était dans sa phase décadente [1]. La République de Chine resta sous domination étrangère entre 1911 et 1949. La Chine retrouva son indépendance nationale en octobre 1949, date de la proclamation de la République populaire de Chine, mais ce n’est qu’à partir de 2001 qu’elle a retrouvé le niveau de développement qu’elle avait atteint au XIXe siècle [2].
Le gouvernement américain a soutenu Tchang Kaï-chek jusqu’à sa mort en 1975. Même si la République populaire de Chine fut admise à l’ONU le 25 octobre 1971, les États-Unis n’établiront des relations diplomatiques avec la République populaire de Chine que le 1er janvier 1979.
Tchang Kaï-chek, replié à Taïwan depuis 1949, fonda en 1966 la WACL – Ligue anticommuniste mondiale renommée opportunément Ligue mondiale pour la liberté et la démocratie en 1990 comme par hasard après la chute du mur de Berlin. De hauts responsables de la CIA, tels Ray S. Cline, ont joué un rôle important dans l’organisation de la WACL. Les liens de cette organisation avec l’extrême droite sont notoires [3].
Depuis 1945, les États-Unis contrôle tous les pays via une structure militaires divisée en cinq zones [4], l’OTAN sous commandement américain et, depuis 2001, des partenariats de coopération militaire [5]. À cela s’ajoute les interventions de la CIA [6], celles d’armées secrètes sous couvert ou non de l’OTAN [7] et, last but not least, le recours aux mercenaires divers et variés notamment les terroristes se réclamant de l’islam comme au Xinjiang.
Les frontières de la Chine sont sous le contrôle militaires des États-Unis (marron), auquel s’ajoutent les anciennes colonies américaines (orange) et les multiples groupes islamistes instrumentalisés (vert) sans compter les réseaux d’espionnage dont on ne sait rien par définition [8].
Une guerre militaire n’aura pas lieu frontalement entre les États-Unis et la Chine, sauf un possible dérapage [9]. L’administration américaine de Donald Trump, comme le fit celle de Barack Hussein Obama, maintiendra la pression aux frontières, notamment en mer de Chine, et poursuivra ses tentatives de déstabilisation au Tibet, au Xinjiang, au Myanmar (Birmanie) et aujourd’hui à Hong Kong, cette ancienne colonie britannique. Mais la guerre se déroule essentiellement sur le front économique.
Depuis sa rétrocession à la Chine en 1997, Hong Kong est dans le collimateur du gouvernement américain qui espère, en plombant son économie, ralentir par ricochet sinon stopper la progression de la Chine dans l’économie mondiale. Cette politique a en partie porté ses fruits puisque Hong Kong est dans une phase de déclin économique. La spéculation immobilière en est l’aspect le plus visible y compris pour les médias dominants [10].
Le gouvernement chinois savait pertinemment que la rétrocession de la colonie britannique ne serait pas un processus facile et il avait anticipé les embûches que préparaient plus ou moins ouvertement les puissances occidentales en développant Shenzhen, ville ultra moderne dont le produit intérieur brut a dépassé celui de Hong Kong en 2018 [11].
Shenzhen située à la frontière entre Hong Kong et la Chine continentale
Hong Kong perd chaque jour de sa puissance au profit de Shenzhen. Si les grosses fortunes, même moins nombreuses, maintiennent vaille que vaille leur taux de profit, la petite bourgeoisie d’affaires paye les frais de cette crise de décroissante en basculant petit à petit dans la pauvreté. Cette crise économique se traduit naturellement par un profond désarroi social qui est aujourd’hui instrumentalisé politiquement non seulement à Hong Kong mais aussi à l’étranger… contre le gouvernement de Pékin [12].
Quatre leçons que Washington doit tirer de la guerre commerciale avec la Chine :
La première leçon est que la Chine ne courbe pas l’échine face à la tactique de pression maximale des États-Unis.
La deuxième leçon que ces faucons devraient apprendre est que l’économie chinoise est assez forte et résiliente pour résister à cette pression.
Le troisième fait que les faucons du commerce à Washington devraient cesser de nier, c’est que cette guerre commerciale nuit à leur peuple et à leurs entreprises.
Enfin, dernier point et non le moindre, les États-Unis devraient apprendre à se comporter comme une puissance mondiale responsable et cesser d’agir comme une « brute de cour d’école ». En tant que seule superpuissance du monde, les États-Unis doivent assumer leur responsabilité et se joindre à d’autres pays pour faire de ce monde un endroit meilleur et plus prospère.
Ce n’est qu’alors que les États-Unis pourront retrouver leur grandeur.
Source : Xinhua, 01/09/2019
02/09/2019
Serge LEFORT
Citoyen du Monde et rédacteur de Monde en Question
Notes et références
[1] Un siècle de guerres contre la Chine :
• Michel TIBON-CORNILLOT, Les guerres de l’opium ou l’écrasement de la Chine, Dedefensa, 10/08/2008.
• Michel TIBON-CORNILLOT, La Chine en enfer : pillages et génocides blancs, Dedefensa, 29/08/2008.
• Corinne AUTEY-ROUSSEL, Guerres de l’opium : le viol de la Chine par les puissances occidentales, Entelekheia, 30/04/2017.
• Dossier Histoire Chine, Monde en Question. ↩
[2] L’économie chinoise XIXe-XXIe siècles :
• Angus MADDISON, L’économie chinoise – Une perspective historique, OCDE, 2007 [BooksGoogle – Perspectives chinoises – Texte en ligne].
L’étude réévalue la portée et le sens du renouveau de la Chine depuis une cinquantaine d’années, en se servant de techniques quantitatives couramment utilisées dans les pays de l’OCDE. À partir d’une approche comparative, l’auteur explique pour quelles raisons le rôle de la Chine dans l’économie mondiale a fluctué aussi fortement au cours du dernier millénaire. Il conclut que la Chine devrait retrouver en 2015 la place de première économie mondiale qui lui revient naturellement et qu’elle a occupé jusqu’en 1890.
• Dossier Économie Chine, Monde en Question. ↩
[3] États-Unis/Chine – Ligues anticommunistes :
• Chronologie Relations Chine-USA, Kronobase.
• 2004, Une source inédite de l’histoire de l’anticommunisme : les archives de l’Entente internationale anticommuniste (EIA) de Théodore Aubert (1924-1950), Matériaux pour l’histoire de notre temps.
• 18/02/2017, Comment le centre international de l’anticommunisme s’est ancré au bout du lac , Tribune de Genève.
• WACL, Right Web.
• août 1983, Du pogrome au combat pour la liberté, Le Monde diplomatique.
• avril 1986, La Ligue anticommuniste mondiale, Le Monde diplomatique.
• 12/05/2004, Ligue Anti-communiste mondiale – World Anti-Communist League (WACL), Réseau Voltaire. ↩
[4] Le contrôle militaire du monde :
• Carte USom
• Contrôle de l’Amérique du Nord, USNorthCom.
• Contrôle de l’Amérique du Sud, USSouthCom.
• Contrôle de l’Europe, USEuCom.
• Contrôle de l’Afrique, USAfriCom.
• Contrôle du Moyen-Orient, USCentCom.
• Contrôle de l’Asie et de l’Océanie, USPaCom.
• Carte bases militaires dans le Pacifique
Au 30 juin 2011, l’ensemble des Forces militaires américaines, c’est-à-dire l’US Army, l’US Navy, l’US Air Force et l’US Marine Corps (exception faite de l’US Coast Guard qui compte 43 521 personnels d’active au 30 septembre 2011) regroupaient 1 434 312 militaires répartis sur un millier de bases dans une centaine de pays.
Par comparaison, la Chine possède une et une seule base militaire à Djibouti !
Lire : La Chine construit sa première base militaire à l’étranger, Sputnik, 13/07/2017. ↩
[5] L’OTAN :
• Pays membres
• Conseil de partenariat euro-atlantique (CPEA)
• Partenariat avec pays non membres
• Manlio DINUCCI, Brève histoire de l’OTAN de 1991 à nos jours, Le Grand Soir, 23/10/2017. ↩
[6] Les guerres de la CIA :
• William BLUM, Les guerres scélérates – Les interventions de l’armée américaine et de la CIA depuis 1945, Parangon, 2004 [Le Grand Soir].
• John K. COOLEY, CIA et Jihad 1950-2001 – Contre l’URSS, une désastreuse alliance, Autrement, 2002. ↩
[7] Les guerres secrètes de l’OTAN :
• Daniele GANSER, Les armées secrètes de l’OTAN, Demi Lune, 2007 réédition 2011 et 2016 [Monde en Question].
• Daniele GANSER, Les guerres illégales de l’OTAN – Une chronique de Cuba jusqu’à la Syrie, Demi Lune, 2017 [Monde en Question]. ↩
[8] Le contrôle militaire de la Chine :
• Bases militaires : Corée du Sud, Japon, Philippines
• Opération Enduring Freedom : Afghanistan
• Conseil de partenariat euro-atlantique (CPEA) : Kazakhstan, Kirghizistan, Tajikistan
• Partenariat avec pays non membres : Afghanistan, Pakistan, Corée du Sud, Japon, Mongolie ↩
[9] Lire : La prochaine guerre américaine, Monde en Question. ↩
[10] Lire : Hong Kong, de la crise économique à la crise politique I, Chine en Question. ↩
[11] Shenzhen une zone de démonstration socialiste :
• 07/12/2017, Shenzhen-Hong Kong Connect, des noces de coton en or, Lazuli International.
• Articles Shenzhen, Lazuli International.
• 28/02/2019, Shenzhen surpasses HK in GDP China Daily.
• Articles Shenzhen, China Daily.
• 19/08/2019, La Chine va faire de Shenzhen une zone de démonstration socialiste, Xinhua.
• 19/08/2019, Beijing wants Shenzhen to play ‘key role’ in tech innovation for planned Greater Bay Area, The Japan Times.
• 26/08/2019, Ce n’est pas pour remplacer Hong Kong que Beijing relève le statut de Shenzhen, Le Quotidien du Peuple [c’est l’inverse qui est vrai].
• 29/08/2019, Shenzhen va introduire davantage de règles commerciales dans sa nouvelle zone de développement, Le Quotidien du Peuple. ↩
[12] Lire : Les médias préparent la guerre contre la Chine, Chine en Question. ↩
Lire aussi :
• Revue de presse Chine Hong Kong, Chine en Question.
• Veille informationnelle Géoéconomie, Monde en Question.
• Veille informationnelle Géopolitique, Monde en Question.
• Veille informationnelle 中國 Chine, Monde en Question.